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Sénèque

La vie heureuse

« J'ai toujours fait tout mon possible pour me distinguer de la multitude et me faire remarquer par quelque mérite. »

 

« Toute cruauté vient d'une faiblesse. »

 

« Si la vertu et le plaisir n'étaient pas séparés, on ne verrait pas certaines choses agréables mais immorales, d'autres morales, assurément, mais pénibles et que l'on accomplit en souffrant. »

 

« La vertu est quelque chose d'élevé, de noble et même de royal, d'invincible, d'infatigable, le plaisir quelque chose de bas, de servile, de faible, de fragile qui séjourne comme chez lui dans les bordels et les tavernes. La vertu tu la rencontreras dans un temple, sur le forum, au sénat, debout devant les remparts, couverte de poussière, hâlée, les mains calleuses, le plaisir est le plus souvent en fuite, à la recherche de l'obscurité autour des bains, des étuves et des lieux où l'on craint la police, mou, sans nerf, imbibé de vin et de parfum, pâle ou fardé, cadavre embaumé d'onguents. Le souverain bien est immortel, il est incapable de nous quitter, il n'a ni satiété ni regret. Jamais, en effet, l'esprit droit ne change ni ne se prend en aversion, et d'ailleurs rien de ce qui est parfait n'a jamais changé. Le plaisir, en revanche, au moment où on en jouit le plus, s'étaient ; il n'a pas beaucoup de place, c'est pourquoi il la remplit vite, il inspire de la répugnance et il se fane au premier élan. »

 

« Paresse et hésitation sont révélatrice de lutte interne et d'inconstance. »

 

« Il nous plaît de prendre à parti quelque vieillard dans la foule des autres : «  Nous voyons que tu es parvenu au stade ultime de la vie humaine : cent ans ou plus pèsent sur toi. Allons ! Regarde derrière toi et fais le compte de ta vie. Dis combien, sur ce temps, t'ont pris ton créancier, ton ami, ton roi, ton client, tes disputes avec ta femme, la correction de tes esclaves, la course à tes mille obligations en ville. Ajoute les maladies fabriquées par nos soins, ajoute le temps inemployé : tu verras que tu as moins d'années que tu n'en comptes. Rappelle-toi quand tu as été ferme dans une résolution, combien de tes journées ont suivi le cours que tu leur destinais, quand tu as disposé de toi-même, quand ton visage est resté impassible, ton cœur, intrépide, quelle œuvre tu as accomplie dans une si longue durée, combien de gens ont gaspillé ta vie sans que tu prennes conscience de la perte, tout ce que t'ont soustrait la douleur vaine, la joie stupide, le désir avide, la conversation flatteuse, quelle part infime de ton bien t'es restée : tu comprendras que tu meurs prématurément. »

 

« Vous vivez comme si vous deviez toujours vivre, jamais votre fragilité ne vous vient à l'esprit. Vous ne remarquez pas combien de temps a déjà passé. Vous le perdez comme s'il coulait à flots, intarissable, tandis que ce jour, sacrifié à tel homme ou telle occupation, est peut-être le dernier. Comme des mortels, vous craignez tout, mais comme des immortels, vous désirez tout. Tu entendras la plupart dire : «  A cinquante ans, je prendrais ma retraite, ma soixantième année me délivrera de toute obligation. » Et de qui donc as-tu reçu la garantie d'une vie plus longue ? Qui permettra que tout se passe selon tes dispositions ? N'as-tu pas honte de garder pour toi les restes de ta vie et de ne destiner à la sagesse que le temps qui ne peut être employé à aucune occupation. Qu'il est tard de commencer à vivre au moment où il faut cesser ! Quel stupide oubli de la condition mortelle que de remettre à cinquante ou soixante ans les saines résolutions et de vouloir commencer la vie à un âge auquel peu d'hommes parviennent ! »

 

« Celui qui consacre tout son temps à son usage personnel, qui organise toutes ses journées comme une vie entière, ne désire ni redoute le lendemain. Que pourrait donc lui apporter une heure en fait de plaisir nouveau ? Il a tout connu, tout goûté à satiété. Quand au reste, que la Fortune en dispose comme elle voudra. »

« Je m'étonne toujours quand je vois certaines personnes demander aux autres leur temps et ceux que l'on sollicite, l'accorder si facilement. De part et d'autre, chacun considère ce pourquoi on demande ce temps, mais le temps même, personne ! Comme si l'on demandait, comme si l'on n'accordait rien ! On se joue de la chose la plus précieuse au monde. Ce qui trompe, c'est que le temps est chose incorporelle et qu'il ne tombe pas sous les yeux : on l'estime donc très bas ; et même, il n'a quasiment aucun prix. Les hommes paient très cher de leur personne pour bénéficier de pensions, de dons. Ils y consacrent leur travail, leur activité, leurs soins. Nul ne met un prix à son temps ; on en use largement. »

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