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Yuval Noah Harari

Sapiens: une brève histoire de l'humanité

« Il n'y a pas de dieux dans l'univers, pas de nations, pas d'argent, pas de droits de l'homme, ni lois ni justice hors de l'imagination commune des êtres humains. »

 

« De fait, tout indique que la taille du cerveau moyen des Sapiens a bel et bien diminué depuis l'époque des fourrageurs. Survivre en ces temps-là nécessitait chez chacun des facultés mentales exceptionnelles. L'avènement de l'agriculture et de l'industrie permit aux gens de compter sur les talents des autres pour survivre et ouvrit de nouvelles « niches pour imbéciles ». On allait pouvoir survivre et transmettre ses gènes ordinaires en travaillant comme porteur d'eau ou sur une chaîne de montage. »

 

« L'économie des fourrageurs assurait à la plupart des carrières plus intéressantes que l'agriculture ou l'industrie. De nos jours, en Chine, une ouvrière quitte son domicile autour de sept heures du matin, emprunte les rues polluées pour rejoindre un atelier clandestin où elle travaille à longueur de journée sur la même machine : dix heures de travail abrutissant avant de rentrer autour de dix neuf heures faire la vaisselle et la lessive. Voici 30 000 ans, une fourrageuse pouvait quitter le camp avec les siens autour de huit heures du matin. Ils écumaient les forêts et les prairies voisines, cueillant des champignons, déterrant des tubercules comestibles, attrapant des grenouilles ou, à l'occasion, détalant devant les tigres. Ils étaient de retour au camp en début d'après-midi pour préparer le repas. Cela leur laissait tout le temps de bavarder, de raconter des histoires, de jouer avec les enfants ou de traînasser. Bien entendu, parfois des tigres les attrapaient ou des serpents les mordaient, mais ils n'avaient pas à s'inquiéter d'accidents de la circulation ou de pollution industrielle. »

 

« la révolution agricole augmenta la somme totale de vivres à la disposition de l'humanité, mais la nourriture supplémentaire ne se traduisit ni en meilleure alimentation ni en davantage de loisirs. Elle se solda plutôt par des explosions démographiques et l'apparition d'élites choyées. »

 

« Le blé exigeait beaucoup des Homo sapiens. Il n'aimait ni les cailloux ni les galets, ce qui obligeait les Sapiens à se casser le dos pour en débarrasser les champs. Le blé n'aimait pas partager la place, l'eau et les nutriments avec d'autres plantes, si bien qu'hommes et femmes passaient de longues journées à désherber sous un soleil de plomb. Lee blé tombait malade, et les Sapiens devaient rester vigilants à l'égard des vers et de la nielle. Le blé était attaqué par les lapins et les essaims de sauterelles, ce qui obligeait les cultivateurs à dresser des clôtures et à monter la garde autour des champs. Le blé avait soif, et les hommes creusèrent des canaux d'irrigation ou transportèrent des seaux pour l'arroser. Sapiens recueillit même les excréments des animaux pour nourrir la terre où poussait le blé.

Le corps de l'Homo sapiens n'avait pas évolué à ces fins. Il était fait pour grimper aux pommiers ou courser les gazelles, non pour enlever les cailloux ou porter des seaux d'eau. Ce sont les genoux, la voûte plantaire, la colonne vertébrale et le cou qui en firent les frais. L'étude des anciens squelettes montre que la transition agricole pléthore de maux : glissement de disques, arthrite et hernies. De surcroît, les nouvelles tâches prenaient beaucoup de temps, ce qui obligeait les hommes à se fixer à côté des champs de blé. Leur mode de vie s'en trouva entièrement changé. Ce n'est pas nous qui avons domestiqué le blé, c'est lui qui nous a domestiqués. »

 

« Le blé n'a pas offert une meilleure alimentation. Ne perdez pas de vue que les hommes sont alors des singes omnivores qui se nourrissent d'un large éventail de vivres. Les céréales ne constituaient qu'une petite fraction de leur alimentation avant la Révolution agricole. Une alimentation fondée sur les céréales est pauvres en minéraux et en vitamines ; difficiles à digérer, elle fait du mal aux dents et aux gencives. »

 

« Ce sont des avocats aisés qui ont été le fer de lance de la Révolution française, non pas des paysans faméliques. »

 

« il n'y a pas moyen de sortir de l'ordre imaginaire. Quand nous abattons les murs de notre prison et courons vers la liberté, nous courons juste dans la cour plus spacieuse d'une prison plus grande. »

 

« Les signes, représentant les chiffres de 0 à 9, connus sous l'appellation de chiffres arabes, alors même qu'ils sont une invention des Hindous (pour ajouter à encore à la confusion, les arabes modernes emploient une série de chiffres qui semblent très différents des chiffres occidentaux). Mais c'est au crédit des arabes qu'on en a porté la paternité parce que, quand ils ont envahi l'Inde, ils ont découvert le système, en on compris l'utilité, l'ont élaboré et l'ont diffusé au Moyen-Orient et en Europe. Divers autres signes sont ensuite venus s'ajouter aux chiffres arabes (ainsi des signes pour l'addition, la soustraction, et la multiplication), créant la base de la notation mathématique moderne. »

 

« Une des règles d'airain de l'histoire est que toute hiérarchie imaginaire désavoue ses origines fictionnelles et se prétend naturelle inévitable. »

 

« Les plantations américaines de Virginie, d'Haïti ou du Brésil étaient infectées par la malaria (paludisme) et la fièvre jaune, originaires d'Afrique. Or, au fil des générations, les Africains avaient acquis une immunité génétique partielle à ces maladies, qui faisaient des ravages parmi les européens totalement sans défense. Pour un planteur, il était donc plus sage d'investir dans un esclave africain que dans un esclave ou un travailleur sous contrat européen. Paradoxalement, la supériorité génétique (en terme d'immunité) se traduisit en infériorité sociale : précisément parce qu'ils étaient mieux adaptés aux climats tropicaux que les européens ! »

 

« En 1519, Hernan Cortés et ses conquistadors envahirent le Mexique, demeuré jusque-là un univers humain isolé. Les Aztèques s'aperçurent vite de l'intérêt extraordinaire des étrangers pour un certain métal jaune...L'or n'était pas inconnu des indigènes : il était joli et facile à travailler, et ils en faisaient des bijoux et des statues ; à l'occasion, ils se servaient de poussière d'or comme d'un moyen d'échange. Mais quand un Aztèque voulait acheter quelque chose, il payait généralement en graines de cacao ou en coupons de tissu. L'obsession espagnole de l'or semblait donc inexplicable. Qu'avait donc de si important ce métal qu'on ne pouvait manger ni boire ni tisser, et qui était terop tendre pour en faire des outils ou des armes ? Quand les indigènes demandèrent à Cortés d'où venait aux Espagnols cette passion de l'or, le conquistador répondit : « Mes compagnons et moi souffrons d'une maladie du cœur qu'on ne saurait guérir qu'avec de l'or. »

 

« le troc n'est efficace que lorsque l'échange porte sur une gamme limitée de produits. »

 

« Les pièces et les billets de banque sont une forme d'argent rare. La quantité totale de monnaie dans le monde tourne autour de 60 billions de dollars, mais la somme totale des pièces et de billets est inférieure à 6 billions. Plus de 90% de la monnaie – soit plus de 50 billions de dollars figurant sur nos comptes – n'existent que sur les terminaux d'ordinateurs. En conséquence, la plupart des transactions se font par ordinateur en déplaçant des données électroniques d'un dossier à l'autre, sans le moindre échange d'espèces. »

 

« Lors du massacre de la Saint-Barthélémy, entre 5 000 et 10 000 protestants trouvèrent la mort en moins de vingt-quatre heures. Quand le pape apprit la nouvelle à Rome, sa joie fut telle qu'il organisa des prières de liesse pour célébrer l'occasion et chargea Giorgio Vasari de faire une fresque du massacre dans une ville du Vatican (aujourd'hui inaccessible aux visiteurs). »

 

« Pour les dualistes, il est facile d'expliquer le mal. Il arrive de sales choses même aux gens bien parce que le monde n'est pas sous la gouvernance exclusive du Dieu bon. Il existe une force mauvaise autonome en vadrouille dans le monde. »

 

« l'intuition de Gautama est que, à toute expérience, l'esprit réagit par le désir, et que celui-ci implique toujours l'insatisfaction. En cas d 'expérience désagréable, l'esprit cherche à se défaire de la source d'irritation. Si l'esprit fait une expérience agréable, il meurt d'envie que le plaisir demeure et s'intensifie. L'esprit est toujours insatisfait et ne connaît pas le repos. C'est très clair quand nous faisons l'expérience de choses déplaisantes comme la douleur. Tant qu'elle persiste, nous sommes mécontents et faisons tout pour l'éviter. Mais même les expériences plaisantes ne nous contentent pas. Nous craignons que le plaisir ne disparaisse, ou nous l'espérons plus intense. Les gens rêvent des années durant de trouver l'amour, mais ils sont rarement satisfaits quand ils le trouvent. Les uns craignent que leur partenaire les quitte ; d'autres ont le sentiment de s'être rangés trop vite et qu'ils auraient pu trouver mieux. »

 

« Il est particulièrement important de souligner que les possibilités qui paraissent très improbables aux contemporains peuvent se réaliser. Quand Constantin monta sur la trône en 306, le christianisme était à peine plus qu'une secte orientale ésotérique. Auriez-vous suggéré alors qu'il était sur le point de devenir la religion de l'Etat romain, on vous aurait ri au nez, comme on vous raillerait aujourd'hui si vous vous hasardiez à dire qu'en 2050 Hare Krishna sera la religion officielle des Etats-Unis. En octobre 1913, les bolcheviks n'étaient qu'une petite faction d'extrémistes russes. Aucun personne raisonnable n'aurait prédit qu'à peine quatre ans plus tard ils prendraient le pays. En l'an 600 de notre ère, l'idée qu'une bande d'Arabes séjournant dans le désert allait bientôt conquérir un immense territoire allant de l'Atlantique à l'Inde était encore plus ridicule. »

 

« A. Pierre, entrepreneur d'El Dorado qui monte, achève son premier gros chantier pour lequel il reçoit un million de dollars en espèces. Il dépose cette somme à la banque de M. Cupide. La banque détient maintenant un capital d'un million de dollars.

Dans le même temps, Jane Bonnepâte, chef cuisinière expérimentée mais impécunieuse à El Dorado, pense voir une opportunité de faire des affaires : la ville manque d'une boulangerie digne de ce nom. Mais elle n'a pas assez d'argent pour acheter une affaire bien équipée avec des fours industriels, des éviers, des couteaux et des casseroles. Elle va à la banque, soumet son projet à Cupide et le persuade que le placement en vaut la peine. Il lui accorde un prêt d'un million de dollars, créditant son compte en banque de cette somme. 

Bonnepâte fait alors appel aux services de Pierre, chargeant l'entrepreneur de construire et d'équiper la boulangerie. Il lui demande un million de dollars.

Quand elle le paie, avec un ch èque tiré sur son compte, Pierre le dépose sur son compte à la banque de M. Cupide. Combien d'argent Pierre a-t-il alors sur son compte en banque ? Exactement 2 millions de dollars.

Mais combien d'argent, d'espèces, se trouve exactement dans le coffre à la banque ? Un million de dollars.

Ca ne s'arrête pas là. Après deux mois de chantier – c'est une habitude chez les entrepreneurs -, Pierre fait savoir à Bonnepâte qu'en raison de problèmes et de frais imprévus, la facture de la construction de la boulangerie s'élèvera en fait deux millions de dollars. Mme Bonnepâte est mécontente, mais elle ne peut guère arrêter le chantier en plein milieu. Elle se rend donc de nouveau à la banque et convainc M. Cupide de lui accorder un prêt supplémentaire : il dépose sur son compte encore un million de dollars, qu'elle vire sur le compte de l'entrepreneur.

Combien d'argent Pierre a-t-il alors sur son compte ? Trois millions de dollars.

Mais combien d'argent se trouve réellement à la banque ? Toujours un million de dollars. En fait, le même million de dollars qui est à la banque depuis le début.

La loi bancaire actuelle, aux Etats-Unis, permet à la banque de répéter cet exercice encore sept fois. »

 

« Dans la première moitié du XIXème siècle, la British East India Company et divers hommes d'affaires firent fortune en exportant de la droguer, notamment de l'opium, vers la Chine. Des millions de Chinois devinrent opiomanes, ce qui ne manqua d'affaiblir le pays tant socialement qu'économiquement. »

 

« En 1821, les Grecs se rebellèrent contre l'Empire ottoman. Le soulèvement suscita une grande sympathie dans les cercles libéraux et romantiques de Grande -Bretagne : le poète Lord Byron alla même en Grèce se battre aux côtés des insurgés. Mais les financiers londoniens perçurent aussi une opportunité. Ils proposèrent aux chefs rebelles d'émettre à la bourse de Londres des obligations négociables « Rébellion grecque », les Grecs devaient promettre de les rembourser, avec des intérêts, s'ils arrachaient leur indépendance. Les investisseurs privés en achetèrent pour réaliser des profits ou par sympathie pour la cause grecque, voire pour les deux raisons à la fois. Le cours des obligations oscilla à la bourse de Londres au gré des victoires et des défaites sur les champs de bataille de l'Hellade. Les Turcs prirent progressivement le dessus. Devant l'imminence de la défaite des rebelles, les détenteurs d'obligations risquaient de perdre leur pantalon. Leur intérêt se confondant avec l'intérêt national, les Britanniques organisèrent une flotte internationale qui, en 1827, coula la principale flottille ottomane dans la bataille de Navarin. Après des siècles d'assujettissement, la Grèce était enfin libre. Mais cette liberté s'accompagnait d'une dette immense que le nouveau pays n'avait aucun moyen de rembourser. L'économie grecque fut hypothéquée des décennies durant au profit des créanciers britanniques...Après la bataille de Navarin, les capitalistes britanniques furent plus disposés à placer leur argent dans des opérations risquées outre-mer. Ils avaient bien vu que, si un débiteur étranger refusait de rembourser, l'armée de Sa majesté irait récupérer l'argent. »

 

« La consommation annuelle de sucre de l'Anglais moyen passa pour ainsi dire de zéro, au début du XVIIème, à environ huit kilos à l'aube du XIXème siècle. Faire pousser des cannes à sucre et en extraire le sucre était toutefois une activité de forte main-d'oeuvre. Peu de gens avaient envie de travailler de longues heures sur des plantations infestées par la malaria sous le soleil des tropiques...Sensibles aux forces du marché et avides de profit et de croissance économique, les planteurs firent travailler des esclaves.

Du XVIème au XIXème siècle, l'Amérique importa autour de dix millions d'esclaves africains, dont près de 70% pour les plantations de canne à sucre...Tout au long du XVIIIème siècle, placer son argent dans la traite devait rapporter près de 6% par an. N'importe quel consultant moderne le reconnaîtrait : l'affaire était juteuse !

Certaines religions, comme le christianisme ou le nazisme, brûlaient d'une haine qui leur a fait tuer des millions de gens. Le capitalisme en a tué aussi des millions, par indifférence et cupidité. La traite des nègres n'est née d'une haine raciste envers les Africains. »

 

« Le XIXème siècle n'apporta aucune amélioration à l'éthique du capitalisme. La révolution industrielle qui balaya l'Europe enrichit les banquiers et détenteurs de capitaux mais condamna des millions de travailleurs à une misère noire. Dans les colonies européennes, la situation fut pire encore. En 1876, le roi Léopold II de Belgique créa une organisation humanitaire non gouvernementale dont le but déclaré était d'explorer l'Afrique centrale et de combattre le trafic d'esclaves le long du fleuve Congo. Elle avait aussi pour mission d'améliorer les conditions de vie des habitants de la région en construisant des routes, des écoles et des hôpitaux. En 1885, les puissances européennes acceptèrent de donner à cette organisation le contrôle de 2.3 millions de km2 dans le bassin du Congo. Ce territoire, soixante-quinze fois plus grand que la Belgique, allait être désormais connu sous le nom d'Etat libre du Congo. Nul ne demanda leur avis aux 20 ou 30 millions d'habitants de ce territoire. 

Très vite, l'organisation humanitaire se transforma en entreprise commerciale dont l'objectif véritable était la croissance et le profit. Oubliés les écoles et les hôpitaux. Le bassin du Congo se couvrit plutôt de mines et de plantations, le plus souvent dirigés par des fonctionnaires belges qui exploitaient implacablement la population locale. Particulièrement notoire était l'industrie du caoutchouc. Ce dernier devint rapidement un produit industriel de base, et son exportation la principale source de revenus du Congo. Les villageois africains chargés de récolter le caoutchouc se virent imposer des quotas toujours plus hauts. Ceux qui n'y parvenaient pas étaient brutalement châtiés pour leur « paresse » : on leur coupait les bras, par exemple, quand on ne massacrait pas des villages entiers. Entre 1885 et 1908, d'après les estimations les plus modérées, la poursuite de la croissance et des profits coûta la vie à 6 millions de personnes (au moins 20% de la population du Congo). 

Après 1908, et surtout après 1945, la cupidité capitaliste fut légèrement bridée, notamment du fait de la peur du communisme. Les iniquités n'en continuèrent pas moins de sévir. Le gâteau économique de 2014 est bien plus grand que celui de 1500, mais sa distribution est si inégale que beaucoup de paysans africains et travailleurs indonésiens rentrent chez eux après une journée de labeur avec moins à manger que leurs ancêtres voici 500 ans. 

De même que la révolution agricole, la croissance de l 'économie moderne pourrait bien apparaître comme une colossale imposture. L'espèce humaine et l'économie mondiale peuvent poursuivre leur croissance, cela n'empêche pas que beaucoup vivent dans la faim et le besoin. »

 

« Les singes orphelins de Harlow souffraient adultes de troubles émotionnels alors même qu'ils n'avaient pas manqué de nourriture. Jamais ils ne s'intégrèrent dans une société de singes. Ils eurent des difficultés à communiquer avec leurs congénères tout en souffrant de forts niveaux d'angoisse et d'agressivité. »

 

« Sans l'industrialisation de l'agriculture, la Révolution industrielle urbaine n'aurait jamais eu lieu. »

 

« Le shopping est devenu un passe-temps favori, et les biens de consommation sont désormais des médiateurs essentiels dans les relations entre membres de la famille, époux et amis. »

 

« Aujourd'hui, les continents abritent près de 7 milliards de Sapiens. Si vous prenez tous ces gens pour les placer sur le plateau d'une balance, leur masse combinée tournerait autour de 300 millions de tonnes. Prenez ensuite tous nos animaux de ferme domestiqués – vaches, cochons, moutons et poulets – et pesez-les : leur masse tournerait autour de 700 millions de tonnes. A titre de comparaison, la masse combinée de tous les grands animaux sauvages survivants – des porcs-épics et des pingouins aux éléphants et aux baleines – ne dépasse pas 100 millions de tonnes. Nos livres d'enfants, notre iconographie et nos écrans de télévision sont encore plein de girafes, de loups et de chimpanzés, alors qu'en réalité il en reste fort peu. On compte à peu près 80 000 girafes, contre 1.5 milliard de bestiaux ; juste 200 000 loups gris pour 400 millions de chiens domestiques ; et seulement 250 000 chimpanzés contre plusieurs milliards d'êtres humains. L'humanité a réellement pris possession du monde....d'autres organismes s'en tirent fort bien. Rats et cancrelats, par exemple, connaissent leur âge d'or. »

 

« Au cours de la Seconde Guerre mondiale, BBC News diffusait en direction de l'Europe sous occupation nazie. Chaque bulletin d'infos commençait par la retransmission en direct des cloches de Big Ben : le son magique de la liberté. D'ingénieux physiciens allemands trouvèrent le moyen de savoir quel temps il faisait à Londres en se fondant sur les infimes différences de ton des ding-dong retransmis. Cette information fut d'une aide précieuse à la Luftwaffe. Quand les services secrets britanniques s'en aperçurent, ils remplacèrent la retransmission en direct par un enregistrement de la fameuse horloge. »

 

« Avant la révolution industrielle, la vie quotidienne de la plupart des hommes se déroulait dans trois cadres anciens : la famille nucléaire, la famille élargie et la communauté intime locale. La plupart des gens travaillaient dans des affaires familiales – à la ferme ou à l'atelier, par exemple – ou dans les affaires familiales des voisins. C'est aussi la famille qui pourvoyait à la protection sociale, à la santé et à l'éducation et qui faisait office d'industrie du bâtiment, de syndicat, de fonds de pension, de compagnie d'assurances, de radio, de télévision, de journal, de banque et même de police. »

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« La nation est la communauté imaginaire de l'Etat. »

 

« Même si, dans certains pays, comme en Malaisie et au Kenya, les Britanniques essayèrent de s'accrocher par la force des armes, le plus souvent ils acceptèrent la fin de l'Empire avec un soupir plutôt qu'en piquant une crise. Ils s'efforcèrent non pas de garder le pouvoir, mais de le transmettre en douceur. Une partie de l'éloge dont on couvre habituellement le Mahatma Gandhi pour son credo non violent revient en vérité à l'empire Britannique. »

 

« Certains critiques adoptent une position diamétralement opposée. Pour eux, il existe une corrélation inverse entre les capacités humaines et le bonheur. Le pouvoir corrompt, comme on dit, et en gagnant toujours plus de pouvoir, l'humanité a créé un monde froid et mécanique mal adapté à nos besoins véritables. L'évolution a adopté nos esprits et nos corps à la vie des chasseurs-cueilleurs. La transition agricole, puis industrielle, nous a condamnés à une vie contre nature où nos inclinations et instincts naturels ne sauraient s'exprimer pleinement, et où nos envies les plus profondes ne sauraient donc trouver satisfaction. Rien, dans le confort de la vie bourgeoise urbaine, ne saurait approcher l'excitation sauvage et la joie pure d'une bande de fourrageurs amateurs de mammouths qui ont fait bonne chasse. Chaque invention nouvelle nous éloigne un peu plus du jardin d'Eden.

Les romantiques soulignent en particulier que le monde de nos sens s'est considérablement appauvri par rapport à celui de nos ancêtres. Les anciens fourrageurs vivaient dans l'instant présent, attentifs au moindre bruit, aux goûts, aux odeurs. Il y allait de leur survie. Nous autre, en revanche, sommes horriblement distraits. Nous pouvons aller au supermarché, où nous avons le choix entre des milliers de produits. Mais, quoi que nous choisissions, il est probable que nous l'avalerons à la hâte devant la télé, sans vraiment prêter attention au goût. Nous pouvons aller en vacances dans des milliers d'endroits plus stupéfiants les uns que les autres. Mais, où que nous allions, nous jouerons probablement avec notre smartphone au lieu de voir réellement les lieux. Nous avons jamais eu autant le choix, mais à quoi bon ce choix quand nous avons perdu la capacité d'y faire réellement attention ? »

 

« Ceux qui naissent avec une biochimie joyeuse sont généralement heureux et satisfaits. »

 

« Le bonheur consiste plutôt à voir la vie dans sa totalité : une vie qui a du sens et qui en vaut la peine. Le bonheur a une composant cognitive et éthique importante. »

 

« Peut-être le bonheur consiste-t-il à synchroniser ses illusions personnelles de sens avec les illusions collectives dominantes. Dès lors que mon récit personnel est au diapason des récits de mon entourage, je puis me convaincre que ma vie a du sens et trouver mon bonheur dans cette conviction. »

 

« Le libéralisme sanctifie les sentiments subjectifs des individus au point d'en faire la source suprême de l'autorité. »

 

« Les gens sont libérés de la souffrance non pas quand ils éprouvent tel ou tel plaisir fugitif, mais quand ils comprennent l'impermanence de leurs sensations et cessent de leur courir après. » mais quand ils comprennent l'impermanence de leurs sensations et cessent de leur courir après. »

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